Monuments et objets du Patrimoine religieux

Les statues de la Vierge

Tout au long du Moyen Âge et jusqu'à nos jours, la Vierge Marie a été l'objet d'une ferveur toute particulière. L'affection populaire comme les spéculations théologiques lui ont accordé un rôle majeur dans la manifestation de la foi chrétienne, et sa vénération a fait d'elle l'inspiratrice de nombreuses et superbes œuvres d'art. À la rigide sedes sapientiae du Xe siècle, figure figée de sa représentation, succède peu à peu une vision plus humaine de Marie au travers de la sculpture mariale. L'art et l'histoire se rejoignent alors autour des pèlerinages suscités autour des statues de la Vierge Marie dont les titres marials sont innombrables, chacun étant lié à un lieu, un sanctuaire, un événement de la vie, etc… mais tous concourant à sa gloire et à sa vénération, sous les angles quelquefois plus particuliers de son intercession.

 

C’est ainsi que l’on rencontre les statues de la Vierge Marie sur le bord des routes, au cœur des villages, au pied des sources guérisseuses, dans des endroits parfois insolites mais répondant toujours à un besoin exprimé par la communauté des fidèles.

 

La statue de la Vierge du Chemin Rouge à Fumel en est un exemple typique qui vaut surtout par le contexte historique de son installation.

 

La Vierge au Chemin Rouge , à l'angle de l'avenue Albert Thomas et de la rue Georges Kuntz à Fumel

La statue de la Vierge au "Chemin Rouge"

La statue de la Vierge située au Chemin Rouge, à Fumel, que l’on peut voir en passant sur la route de Périgueux, est toujours richement fleurie depuis son installation dans ce quartier de cités ouvrières. Cela interroge le visiteur surpris par une telle présence qui pourrait paraître insolite. C’est le père Francis Saphy, curé de la paroisse de septembre 2007 à septembre 2017, qui, dans le bulletin paroissial l'Echo de Saint-Géraud n°49 de mai 2012, en donne une explication en restituant le récit fait par une religieuse pour rapporter de façon anecdotique comment cette statue est arrivée au Chemin Rouge en juin 1954. Elle raconte :

 

Alors que je travaillais au fond du jardin un homme au teint basané, en bleu de travail, s’avance vers moi.

« -Ma Sœur, je viens vous demander d’organiser un pèlerinage à Lourdes pour les gens du Chemin Rouge. Vos élèves, je crois, viennent d’en faire un et vous aviez emmené une jeune femme de la cité des écoles avec sa petite fille qui n’allait pas bien du tout. Celle-ci est revenue beaucoup mieux et l’eau de Lourdes distribuée aux voisins leur a fait aussi beaucoup de bien. Alors vous comprenez pourquoi je vous fais cette demande.

 -Bien sûr, mais il faudrait voir Monsieur le Curé.

-Non, on aime mieux avoir à faire avec vous.

-Mais il faut être nombreux, le car est de 50 places.

-N’ayez crainte, j’en ai parlé à mes amis du Chemin Rouge. Ils sont d’accord.

-Bon, alors allons tout de suite chez le garagiste pour fixer les dates et le prix du car. Je vais téléphoner à la maman de Riri qui tient l’hôtel Notre Dame des Champs à Lourdes, pour savoir le prix du séjour que je transmettrai au garagiste. Et puis, cher Monsieur du Chemin rouge, je vous confie la suite. Dites bien à tous vos amis qu’ils s’inscrivent directement chez le garagiste.

-D’accord.

-Alors rendez-vous au car le jour fixé à 7 heures du matin. »

La veille du départ, un peu inquiète, je confie tout à la Vierge. Et le lendemain matin, seule dans la nuit, je me dirige vers un point lumineux qui n’est autre que le car des 50 pèlerins du Chemin Rouge.

Je monte dans le car, un peu impressionnée par tous ces visages inconnus d’hommes et de femmes convergeant vers moi, s’exprimant qui en polonais, qui en espagnol, qui en français : « Ma sœur, vous serez notre chef, on vous obéira. » - « Non, je ne suis pas votre chef, je fais le pèlerinage avec vous, restant toujours à votre disposition pour que tout se passe pour le mieux. » Le car démarre, « Très bon voyage à tous – dans l’amitié nous allons à la rencontre de la Vierge ». Applaudissements. Le jour n’est pas encore levé et le car sommeille de plus en plus.

7h, nous arrivons place de la Cathédrale à Auch. Nous descendons une demi-heure pour casser la croûte et nous détendre. Je profite de ce temps pour avoir la messe. Quand je sors de l’église, sur les bords du trottoir on mange, on boit, on fume, on discute, on lit l’Humanité.

 En route pour Lourdes. Conversations animées, chansons à la mode. « Regardez, dis-je on aperçoit déjà les montagnes, c’est dans la montagne que la Vierge s’est montrée ». Ils écoutent très attentivement le récit que j’en fais, et nous apprenons, puis chantons à plein cœur : Ave, ave, ave Maria. Je chante les couplets : on sent que l’intériorité monte, l’émotion même augmente au fur et à mesure que Lourdes approche… Nous y sommes, Ave, ave, ave Maria et nous voici à l’hôtel Notre Dame des Champs où nous attend la maman de Riri qui me dit à voix basse : « Mais ce n’est pas possible que vous ayez amené ce genre de monde ! »

« Ils sont très gentils vous verrez ».

Installation faite –temps libre- 19h repas, on fait connaissance. « Pour aller à la Grotte et à la procession aux flambeaux, vous descendez, c’est tout droit ». Avant de quitter la table, un polonais interpelle les convives, remontant une jambe de son pantalon : « Vous voyez cette plaie que j’ai à la jambe, elle n’arrête pas de couler depuis longtemps. Je vais demander à la Vierge de la faire arrêter de couler ». Rires sceptiques. J’apprends que plusieurs se sont perdus hier et sont rentrés très tard – ce qui n’est pas admis à l’hôtel. Alors l’un des pèlerins dit que pour ne pas se perdre, il faut faire une farandole avec la sœur pour aller à la retraite aux flambeaux et en revenir. Ce qui fut parfait, pittoresque et très remarqué.

Dans l’après-midi, l’homme à la jambe qui coule et sa femme me demandent de les conduire aux piscines – Nous y arrivons. Mais voici que l’homme s’écrie : « Je ne me saucerai pas » - Sa femme lui répond avec vigueur : « Tu te sauceras » Il répond : « Je ne me saucerai pas » Dialogue à haute voix qui fit intervenir un gendarme. Sur ce, je m’esquive et me dirige vers la procession du St Sacrement où je rencontre un bon groupe de mes femmes pèlerines.

A la fin de la procession le haut parleur proclame : à la crypte, confession en polonais, en espagnol. Je mets tout cela dans une bonne oreille et demande aux femmes : si vous voulez visiter les églises, venez avec moi. Et voici que nous passons devant les-dits confessionnaux. Je murmure à ma voisine « Vous voyez là on confesse en polonais et en espagnol, temps de silence… la femme entre dans le confessionnal et en sort radieuse. Je vais plus loin dans l’église mais je garde la vue sur le confessionnal où je vois un long défilé d’attente, mes femmes sont aux confessionnaux. A la fin, le prêtre m’aperçoit, vient vers moi et me demande : « Ma sœur, quel genre de pèlerinage amenez-vous ici ? » Je lui donne l’explication, espérant que les hommes se décideront aussi.

Le soir, au repas, joie exubérante des femmes pardonnées – mais aussi joie surprenante, joie enthousiasmante quand le polonais relève la jambe de son pantalon « Vous voyez ma jambe ne coule plus, on ne voit presque plus la cicatrice. C’est quand je me suis « saucé » dans la piscine que la Vierge m’a guéri – applaudissements – les femmes ont la larme à l’œil et nous chantons le plus fort possible Ave, ave, ave Maria. La maman de Riri n’en revient pas.

Pour le reste du pèlerinage – visites – provisions d’eau de Lourdes – achats de souvenirs – achats de cartes postales – conversations diverses – j’écoute à fond, les uns et les autres.

Enfin, adieu à la grotte – en silence – on défile, baise le rocher. Et le car rempli de bagages, nous attend à la sortie de l’esplanade. En route pour Libos, en chantant ce refrain appris à l’hôtel « J’irai la voir un jour, au ciel, au ciel, j’irai la voir un jour.

 

Un second pèlerinage du même genre eut lieu l’année suivante. Et tous ces pèlerins n’avaient qu’un seul regret, celui de ne pas avoir la Vierge chez eux.

Alors, M. M. Julie passe de maison en maison dans le quartier du Chemin Rouge. Elle récolte 70 000 Francs pour l’achat d’une belle et grande Vierge qu’on fait venir de Toulouse.

Le directeur de l’usine de Fumel, où travaillent ces gens, fait réserver un espace en plein cœur de la cité pour y placer la Vierge et envoie des ouvriers pour l’installer. Jusqu’au jour de la fête, la Vierge reste enveloppée dans un tissu épais et blanc. Le grand rassemblement se prépare à Libos dans la plaine, à Monsempron sur la colline à droite, à Fumel sur la colline à gauche – vente de cierges dans les quartiers, dans nos paroisses. Un électricien installe sur le haut d’un poteau un haut parleur qui diffuse la sonnerie des cloches de la Cathédrale de Périgueux. Les gens des villages alentour se demandent ce qui se passe et se déplacent en direction du son. Les processions de lumières de Fumel et de Monsempron rejoignent les lumières de Libos. La Chorale de Libos se met en place et voici l’évêque qui arrive avec plusieurs prêtres. Voici le moment solennel. Un jeune ingénieur de l’usine enlève le tissu blanc et la Vierge apparaît lumineuse et accueillante ; chant de la chorale, chant de la foule, Ave Maria. Puis Monseigneur prend la parole : « La Vierge a voulu demeurer chez vous – elle vous prend dans son cœur – elle vous conduit à son Fils » Moment inoubliable, c’est tout un peuple qui acclame Marie, qui la contemple avec amour – silence – prières – chants polyphoniques. Il se fait tard, chant final. Les cierges s’éteignent mais plusieurs de mes hommes pèlerins ne peuvent se lasser de contempler le visage de Marie « Au ciel, au ciel, j’irai la voir un jour »

 

C’était en 1954.  70 ans après, elle est toujours là, la Vierge du Chemin rouge. Toujours fleurie, toujours saluée par les gens qui passent, toujours visitée par les anciens élèves qu’accompagnent une ou deux religieuses de Marie-Auxiliatrice, lors des réunions annuelles.

Marie-Auxiliatrice a quitté Libos en 1967 mais la Vierge demeure.

N'oublions pas que Marie-Auxiliatrice, soeur Marie-Yves Regnault dans la vie civile, a participé activement à la fondation de l'hôpital de Fumel. Toute sa vie fut consacrée à porter soins aux autres. Ce fut une grande dame !!